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| title | La « garde » pastorale : une coopération entre berger et brebis |
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| start_date | 2006/04/13 |
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| schedule | 17h-18h |
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| summary | Cette contribution sera tirée d’une réflexion entamée dans mon mémoire de DEA Berger, un authentique métier moderne. Ce travail est fondé sur une expérience professionnelle de trois ans, au cours de laquelle j’ai appris puis exercé le métier de berger en tant que salariée. Dans un chapitre intitulé « l’incorporation du métier de berger », j’ai entamé une réflexion sur la nature de la relation qui unit le berger et les brebis. Interroger cette relation en tant que relation de coopération semble être heuristique. Elle présente des intérêts communs avec ceux du LAMIC, notamment concernant la dimension sensorielle de l’apprentissage et de la pratique de la « garde », ainsi que la question de la relation entre homme et animal et de la dimension culturelle de sa mise en œuvre.
Parler de coopération entre le berger et les brebis peut paraître surprenant. Pourtant, c’est de cela qu’il s’agit, puisque la pratique de la garde repose sur l’action conjointe de l’homme et de l’animal, orientée dans une finalité de production, et conditionnée par l’activité de pâturage. Cette coopération est mise en pratique tout au long de l’activité de garde, et se construit sur un ajustement ténu, a-phatique, qui se tisse de manière imperceptible sur un geste ou un stimulus invisibles pour le novice.
Lors de la garde, la coopération entre berger et brebis repose sur un processus de domestication, qui est un apprentissage comportemental réciproque. D’une part, on parle de la « mène » des animaux, qui est un ensemble de dispositions acquises par le troupeau que le berger entretient, en rapport à l’espace. Par exemple, le troupeau apprend peu à peu à respecter les limites de son pâturage sur une injonction de moins en moins brutale du berger. D’autre part, le berger incorpore des techniques du corps particulières, qui sont pour M. Mauss une adaptation du corps à son usage (1950). Ce sont elles qui permettent au berger de conduire le troupeau en rendant son corps signifiant pour ce dernier.
La coopération entre berger et brebis est une relation basée sur une communication praxique (P. Parlebas, 1999) : les mouvements du berger aussi bien que ceux des brebis sont signifiants. Cette communication dépend largement de l’environnement pastoral souvent étendu, ce qui justifie l’utilisation par les bergers d’outils suppléant les sens et le corps. Les jumelles, les sonnailles permettent une appréhension visuelle et auditive d’informations concernant le troupeau. Pour intervenir sur le troupeau en épargnant le corps, le chien ou la voix permettent d’agir sans engager de déplacement. La pratique de la garde construit donc chez le berger « une image du corps » spécifique, adaptée à la coopération avec le troupeau, déterminante pour la construction du sujet en tant que berger (Schilder, 1950).
La garde oscille toujours entre domination et soumission du berger au troupeau, parce que souvent conditionnée par un conflit latent, lié à la rareté de la ressource fourragère. Si la coopération est optimale, les brebis pâturent au mieux en tirant le meilleur parti des ressources fourragères disponibles. La garde suppose un ajustement réciproque du berger et des brebis, sous peine de manquer à sa raison d’être. Elle suppose une intime relation d’interconnaissance, où chaque partie évalue et anticipe le comportement de l’autre.
Aussi peut-on parler d’une relation de reconnaissance dans tous les sens du terme entre le berger et le troupeau, au point que de la coopération qu’implique la pratique de garde naît l’identification du berger à son troupeau, des brebis au berger. Le berger sélectionne les brebis au point que le troupeau devient sa créature, et le berger construit son corps par et pour les brebis. Cette identification est inscrite sur le troupeau, dont chaque brebis porte la « marque » du berger. |
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| responsibles | Candau |
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