Pratiques corporelles et pratiques langagières lors de la coopération dans une activité efficace : exemple dans la pratique de la voile

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titlePratiques corporelles et pratiques langagières lors de la coopération dans une activité efficace : exemple dans la pratique de la voile
start_date2006/05/11
schedule16h-17h
onlineno
summaryOctobre 2004 : une vingtaine de navigateurs adultes se retrouvent pour cinq jours de croisière dans la Manche. Ils se répartissent en trois voiliers dont Passion, un bateau de compétition d’une douzaine de mètres, converti pour l’occasion en bateau de croisière. Il n’y a pas de cabines séparées, pas d’insonorisation, pas de salle d’eau, pas de robinet, mais des bidons d’eau. Les toilettes sont cachées par un rideau rouge installé en hâte par le loueur. Un bateau de compétition doit être le plus léger possible, la cabine ne servant qu’à ranger le matériel, il n’y a pas de table sauf la table à cartes. Passion contraste avec les deux autres bateaux de type « First 41S5 » et, si les autres équipiers envient ce matériel rapide, ils s’amusent du manque de confort : « il y a un robinet d’eau au moins sur notre camping-car des mers ! ». Les sept navigateurs, six hommes et une femme, à bord du Passion ont entre 30 et 40 ans, habitent à Paris ou dans sa proche banlieue, et sont avocat, ingénieur, chercheur, graphiste ou travaillent dans une agence de photographies. Ils se connaissent par groupes de deux ou trois depuis plusieurs années, mais n’ont pas nécessairement déjà navigué ensemble. Ils ont tous déjà navigué sauf l’un d’entre eux. Les premières heures de cohabitation révèlent la coexistence de deux types de navigation, autrement dit de vivre le même bateau. D’une part, les trois « compétiteurs » occupent l’espace sonore à travers leurs injonctions criées, l’espace physique à travers leurs déplacements fréquents et répétés, à travers leurs actions qui visent une planification et une coordination parfaites des actions des autres. Les corps dressés, mobiles, face aux éléments, enchaînent les actions dans une temporalité courte. Leurs discours sur les actions passées, présentes et futures, sont centrés sur la navigation : ils parlent, bougent, respirent navigation. D’autre part, les quatre « croisiéristes » regardent la mer, la côte, « philosophent », repèrent les angles saillants dont il faudra se méfier durant les manœuvres. Les corps, assis ou allongés, sont engagés dans une autre forme de vivre le bateau qui ne passe pas par la montée et la descente de l’escalier : les corps sont inscrits dans une temporalité longue entrecoupée d’actions enchaînées rapidement (manœuvres de changement de direction, d’entrée ou de sortie d’un port). Je partirai donc de l’idée depuis longtemps développée par le MàP que toute culture motrice s’appuie sur une culture matérielle autrement dit, toutes les conduites sensori-affectivo-motrices humaines sont ancrées sur des objets. Agissant avec les mêmes objets, dans un espace identique, ces deux groupes de navigateurs ne vivent pourtant pas le bateau de la même façon : ils ont incorporé précédemment les objets de la navigation au sein de réseaux d’actions sur les actions différents (apprentissage sur dériveurs, sur croiseur de compétition, sur croiseurs de croisière) ; ils n’articulent pas de la même façon leurs pratiques corporelles et langagières. Ceci les conduit à une structuration différente de l’espace-temps de navigation. La cohabitation a ceci d’intéressant qu’ils ont dû collaborer et coopérer pour faire avancer le bateau ainsi que pour éviter un démâtage lors d’une avarie survenue le quatrième jour. A cette échelle la coopération, le « faire-ensemble », qui engage les corps et les objets, prend les mêmes formes dans le sport que dans le travail (cf. le laboratoire de recherche AMCO, Université d’Orléans). Comment cette coopération a-t-elle été mise en place ? J’aborderai cette question sous l’angle de l’articulation des pratiques langagières et corporelles en jeu dans la navigation. Ceci inclut également l’articulation des pratiques corporelles entre elles et celle des pratiques langagières entre elles. Nous verrons que les pratiques corporelles n’engagent pas uniquement les objets, ni les pratiques langagières uniquement les sujets. Ainsi, je m’intéressai aux conséquences de ces articulations distinctes sur la mise en place de la coopération et inversement les conséquences de cette mise en place sur l’articulation des pratiques de chacun. La situation (par exemple dans l’approche en terme d’action située) est intéressante pour l’ethnologue en ce qu’elle montre à la fois comment les protagonistes réactualisent des pratiques langagières et corporelles mémorisées qui structurent l’espace-temps et font émerger de nouveaux réseaux d’actions sur les actions et des nouvelles incorporations qui génèrent ou non des modes de coopération
responsiblesCandau