Ecrire en langue poétique ?

old_uid2088
titleEcrire en langue poétique ?
start_date2007/01/22
schedule10h-12h
onlineno
summaryLa problématique générale portera sur la réinterprétation et la transmission des formes poétiques quand des changements phonétiques suffisamment importants se sont produits dans la langue qui ne permettent plus aux nouvelles génération de respecter la structure formelle des oeuvres classiques s'ils interprétaient ces oeuvres avec le phonétisme de la langue ordinaire. Je rappellerai brièvement le cas du chva ornemental, que j'ai analysé dans les Hommages à Benoît de Cornulier comme une sorte de clitique (un mot syntaxiquement indépendant) disponible pour satisfaire le schéma métrique de vers (et plus ou moins contraint par une certaine norme orthographique consensuelle, selon le degré d'instruction du poète et de l'audience à laquelle il destine sa création), ainsi que celui du chva thématique du futur-conditionnel, qui appartient aussi à la langue ordinaire. Cela me permettra d'établir que le poète utilise une langue distincte de sa langue ordinaire et de celle de son auditoire - celui-ci s'attendant justement à cela. Cette langue de la poésie est en partie apprise indépendamment de la langue ordinaire, en partie dérivable de celle-ci par des règles. Ceci est trivial pour la syntaxe, et cela fait longtemps qu'on sait que la syntaxe de la poésie n'est pas celle de la langue ordinaire. Le chva ornemental présente un autre cas de figure, puisqu'il s'agit d'un mot spécifique à ce langage, vide de sens et purement métrique. J'examinerai deux autres cas qui font intervenir une adaptation phonologique des mots de la langue ordinaire au moyen d'une épenthèse à l'intérieur de groupes consonantiques pour le premier et d'une division des voyelles longues en deux pour le second. J'examinerai le statut du e sourd en poésie dans des mots comme promener qui se prononcent prom'ner dans la langue ordinaire. Pour cela j'analyserai un procédé très répandu dans Le Mystère du siège d'Orléans , ms. du début du XVIe siècle et texte probablement écrit au milieu du XVe. On voit que pour le poète, on passe (grosso modo) de la langue ordinaire à la langue poétique en ajoutant un e sourd dans certaines suites particulières de deux consonnes de la langue ordinaire, que ce e sourd soit étymologique ou non. Par exemple, l'interprète qui lit les mots journée , majesté , espoir , octobre dans son texte doit les prononcer ainsi: jour[e]née , majes[e]té , es[e]poir , oc[e]tobre . J'examinerai de la même manière comment on restituait aux suites vocaliques aa et eé qui était devenues des voyelles longues dans des mots comme aage ou (il) chasteé une prononciation dissyllabique dans le vers, qui s'étend à des mots comme pescher , utilisés dans le vers comme un trisyllabes pëescher , ou encore chasteé prononcé chaaté . Je conclurai sur l'importance qu'il y a à bien connaître cette langue de la poésie qui cache à l'historien les indices qui permettent de retrouver à quel moment un changement phonétique s'est accompli dans la langue ordinaire. J'examinerai en particulier les fondements empiriques plus que problématiques de modèles théoriques sur le chva dans la langue et des thèses récentes sur les contraintes structurales pour le développement des voyelles longues dans les langues (de Chene Anderson 1979; Gess 1998). Inversement, je montrerai comment les stratégies utilisées dans Le Mystère du siège d'Orléans , permettent de mieux comprendre le statut des suites de consonnes à cette époque, et comment elles infirment une thèse très fréquente qui voudrait que toutes les consonnes en coda s'étaient amuïes pendant la période de l'ancien et du moyen français, et qu'elles auraient été restaurées sous l'influence du discours des grammairiens du XVIe siècle. De Chene, Brent Eugene et Stephen R. Anderson. 1979. Compensatory lengthening. Language 55.505-535. Gess, Randall. 1998. Compensatory lengthening and structure preservation revisited. Phonology 15.353-366.
responsiblesAroui