Quelques remarques historiques et philosophiques sur la théorie de l'utilité de von Neumann et Morgenstern

old_uid5417
titleQuelques remarques historiques et philosophiques sur la théorie de l'utilité de von Neumann et Morgenstern
start_date2008/10/17
schedule16h15
onlineno
summaryExposée dans Theory of Games and Economic Behavior en 1947 comme un simple développement préparatoire à la théorie des jeux, la théorie de l'utilité de von Neumann et Morgenstern a pris son autonomie grâce aux économistes et aux statisticiens qui, dans les années 1950, en firent le commentaire et la propagande: Marschak, Samuelson, Friedman et Savage. En relisant certains de leurs travaux, on tentera de décrire le processus de requalification théorique au terme duquel le travail sans prétention excessive des fondateurs a pu apparaître comme une percée fondamentale de la microéconomie et de la théorie de la décision. On soulignera que les stratégies argumentatives de cette époque visaient à tenir compte par avance des difficultés et qu'elles privilégiaient d'emblée, et non pas réactivement, comme il a été dit, le mode d'expression et de justification normatif. Revenant brièvement sur le colloque de Paris en 1952, on réappréciera l'importance des paradoxes qu'Allais et d'autres critiques de la théorie opposèrent alors à ses partisans. On fera valoir qu'il s'agissait de simples expériences de pensée, inscrites dans une stratégie de persuasion et d'exploration heuristique plutôt que dans une vraie démonstration, et qu'encore une fois, le terrain où se plaçait le débat théorique était celui des critères normatifs de décision. Enchaînant sur quelques expériences remarquables des années 1970, on mettra en évidence un basculement vers le point de vue positif et, plus précisément, l'objectif du test et de la réfutation empiriques dans un sens inspiré des philosophies des sciences néo-positiviste et poppérienne. On attachera plus d'importance à ce tournant méthodologique et réflexif qu'à la succession temporelle de l'acceptation de la théorie et de son abandon. On conclura en jetant un doute sur la reconstruction de la séquence historique à l'aide des critères reçus du progrès en philosophie des sciences: les difficultés initiales n'eurent jamais le statut d'anomalies empiriques, il fallut un effort d'interprétation considérable pour élever les contre-exemples au statut de réfutations, et l'abandon de la théorie de von Neumann et Morgenstern parmi les spécialistes paraît avoir précédé l'apparition de ses rivales, au lieu d'être conditionné par elle, ainsi que le veulent la plupart des philosophies du progrès. Un compte-rendu duhémien de la séquence, qui s'accommode d'un certain flou des critères et qui accentue la dépendance temporelle et contextuelle des arguments, fonctionne assurément mieux qu'un compte-rendu poppérien, lakatosien ou bayésien. Ces observations et ces réflexions reprennent ou développent celles de l'étude "Duhemian Themes in Expected Utility Theory" qu'on tient à la disposition des auditeurs intéressés.
responsiblesHill, Placido, Cozic