L’émergence de la phonétique instrumentale dans les sciences du langage : aspects méthodologiques et expérimentaux.

old_uid7082
titleL’émergence de la phonétique instrumentale dans les sciences du langage : aspects méthodologiques et expérimentaux.
start_date2009/06/02
schedule13h
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summaryJusqu’au début du 19eme siècle, les linguistes sont des grammairiens qui étudient l’évolution historique des langues isolément sur les lettres de leurs alphabets et non les sons qu’elles représentent. Une première rupture épistémologique se manifeste alors avec l’émergence du comparatisme, provoquée par la prise de conscience des similitudes entre le sanscrit et les langues européennes. Le comparatisme est fondé sur l’existence de correspondances phonologiques régulières entre les langues formant une famille et entre les familles de langues. La régularité de ces correspondances constitue les lois phonétiques. À mesure que la grammaire comparée se développe, la description des éléments du langage a besoin de plus d’approfondissement et de précision. Une deuxième rupture se manifeste également par l’émergence, à la suite de la redécouverte des textes védiques, d’un mouvement qui pousse certains linguistes à porter leur attention sur le langage tel qu’il est dit plutôt qu’écrit. Cela nécessite, pour compléter les données de nos sens, des approches méthodologiques nouvelles empruntées à la physiologie (étude des articulations) et à la physique (acoustique des sons) et d’inventer des techniques nouvelles d’enregistrement et d’inscription graphique de la parole. Cet aspect est déterminant dans la construction et l’affirmation de la linguistique comme discipline scientifique dans cette seconde moitié du 19ème siècle. En 1856, le physiologiste allemand Brücke analyse les articulations des principales langues modernes. Son collègue tchèque Czermak étudie en 1869 le larynx et le fonctionnement du voile. Plusieurs démarches de définitions de codes graphiques de transcription de la parole sont également proposées, dont celui de Melville Bell qui décrit en 1867 un alphabet physiologique basé sur les mouvements des organes articulateurs. Il est censé être utilisable pour transcrire toutes les langues du monde, et applicable à la dialectologie, l’enseignement aux sourds muets et la télégraphie. Le médecin et physicien allemand Helmholtz énonce, en 1862, une théorie physique des voyelles qui propose qu’elles se distinguent l’une de l’autre par leur timbre et que ce timbre est provoqué par les résonances des cavités buccales et nasales en fonction des différentes formes qu’elles prennent au cours de la production de la parole. En 1866 est créée la Société de Linguistique de Paris (SLP). Elle va être en cette fin de siècle un cercle de réflexion linguistique particulièrement fécond. La SLP devient très vite le moteur d’une linguistique française en pleine évolution. En 1874 une « commission des instruments » y est créée à l’initiative de Louis Havet, alors secrétaire de la SLP et un de ses membres les plus actifs. En janvier 1875 une délégation de la SLP, emmenée par son président Léon Vaïsse et son secrétaire Louis Havet, vient consulter Marey dans le but « d’appliquer la méthode graphique à l’étude des mouvements si complexes et si variés qui se produisent dans la parole ». Marey est fasciné par ce nouveau champ de recherche qui s’offre à lui : « Quoi de plus complexe que les mouvements des lèvres, de la langue du voile du palais et du larynx d’une personne qui parle ! ». Il lance sans tarder des investigations phonétiques dans son laboratoire de l’EPHE avec un de ses élèves médecin Charles Rosapelly, et le linguiste Louis Havet. Cette équipe va, pour la première fois dans l’histoire des sciences du langage et de la physiologie, appliquer sur un corpus de parole un protocole instrumental mettant en jeu tout un appareillage d’explorations physiologiques, dont plusieurs composants sont adaptés et même développés spécialement. Cet appareillage de 1875, à quelques améliorations près, va être utilisé dans les laboratoires de phonétique pendant presque un siècle.
responsiblesLœvenbruck, Welby