Ingénierie morphogénétique : du développement biologique aux systèmes auto-organisés programmables

old_uid8137
titleIngénierie morphogénétique : du développement biologique aux systèmes auto-organisés programmables
start_date2010/02/11
schedule14h ou 14h30
onlineno
location_infosalle 3
summaryDes comportements collectifs complexes peuvent résulter de règles individuelles à base d’agents simples, un fait souvent mis en avant comme étant la marque distinctive des systèmes complexes. Cependant, la plupart des motifs émergents bien connus ne sont « complexes » que de façon relative : soit aléatoires et imprévisibles (taches et rayures éparses, nuées d’oiseaux mouvantes, groupements sociaux fortuits, etc.) soit imprimés par des conditions aux limites particulières (sentiers de fourmis tendus entre nid et nourriture, etc.). Ces phénomènes sont statistiquement uniformes et/ou répétitifs, affichant une « pauvreté informationnelle » semblable à des textures, mais ne présentant jamais véritablement une architecture intrinsèque. En revanche, à un autre extrême, la plupart des structures compliquées faites d’éléments disposés de façon spécifique sont artificielles et produites par l’inventivité humaine (objets, machines, édifices, systèmes symboliques, etc.). Elles sont statistiquement hétérogènes, riches en information et, surtout, reproductibles. Cependant, leur degré d’ordre est entièrement imposé par une conception humaine délibérée, donc une planification extrinsèque et centralisée. Entre ces deux catégories de systèmes (spontanés mais aléatoires d’un côté, structurés mais conçus de l’autre), la morphogenèse biologique fait figure de cas unique réussissant à combiner auto-organisation et architectures complexes. Les organismes vivants multicellulaires sont en effet constitués de segments et d’organes structurés et placés très finement – qui pourraient (presque) donner l’illusion d’artefacts créés par ingénierie – pourtant, ils se sont auto- assemblés de façon purement décentralisée, guidés par des instructions génétiques et épigénétiques produites par l’évolution naturelle au cours de millions d’années et déposées dans le zygote. Par conséquent, l’embryogenèse est un exemple incomparable de complexité programmable. Elle démontre que les systèmes complexes peuvent également inclure une diversité d’agents, une modularité hiérarchique, et une reproductibilité. Prenant inspiration du développement biologique, je propose une « ingénierie morphogénétique » qui se concentre sur les capacités encore sous-estimées des systèmes complexes d’offrir de telles propriétés, en même temps (ou malgré le fait) que ceux-ci sont auto-organisés. Ces facultés d’auto- assemblage précis sont fortement souhaitées dans un grand nombre de systèmes artificiels distribués (robots en essaim auto-formé, logiciels auto-architecturés, microcomposants auto-connectés). C’est également un défi important dans des réseaux techno-sociaux complexes faits de myriades d’utilisateurs humains et/ou d’appareils de calcul mobiles (chaînes de fabrication auto-configurées, groupes d’intervention d’urgence auto-déployés, grilles d’énergie ou marchés d’échanges auto-régulés). Pourtant, ce projet recèle des paradoxes fondamentaux : L’autonomie peut-elle être planifiée ? La décentralisation peut-elle être contrôlée ? L’évolution peut-elle être conçue ? En d’autres termes, peut-on attendre des caractéristiques spécifiques de systèmes qui seraient par ailleurs libres de s’inventer eux-mêmes ? Je suggère que la résolution de ces objectifs apparemment incompatibles réside dans un changement d’échelle de la conception pour devenir une « méta-conception » (meta-design) : au lieu de construire le puzzle vous-même, formez les pièces de telle sorte qu’elles le construisent pour vous.
responsiblesDaille