| old_uid | 8196 |
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| title | Formes sémantiques: quelques modalités de transposition |
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| start_date | 2010/02/18 |
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| schedule | 14h-17h |
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| online | no |
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| summary | L’analogie, ainsi qu’il est dit dans le Cours de Linguistique de F. de Saussure, « suppose un modèle et son imitation régulière » (p. 221). Une « forme analogique » est alors « une forme faite à l’image d’une ou de plusieurs autres d’après une règle déterminée ». Nous avons ainsi en français les couples pension / pensionnaire, ou encore réaction / réactionnaire, alors pourquoi ne pas tenter répression / répressionnaire (p. 225) ? Le sentiment que nous avons de la régularité d’une forme, comme agencement interne, vient en effet de ce que nous la percevons sur le fond de séries associatives qui s’intersectent en elle : ainsi défaire, sur le modèle de décoller, découdre, déplacer…, ou sur celui de faire, refaire, contrefaire. Il en va de même si l’on considère une expression, non plus sur des bases morphologiques, mais de façon directement sémantique, comme une unité perçue sur fond de champs lexicaux associés : arbre, en compagnie par exemple de branche, feuille, racine ; clé, avec ouvrir, fermer, bloquer ; mur, avec se dresser, protéger, entourer, franchir, (se) heurter. Employer l’une de ces unités peut engager (de façon plus ou moins explicite) certaines autres, aussi bien dans le sens d’un changement que d’une conservation de leurs rapports, et c’est dans l’appréciation de ces variations que se joue le sentiment d’une régularité des emplois, de la délimitation des usages. On aurait là comme un modèle rudimentaire d’analogie sémantique, fondé sur l’interdépendance native de formes expressives montées en réseaux : on pourrait, ainsi, passer de l’arbre du jardin, à l’arbre généalogique, ou à l’arbre syntaxique.
Réfléchir dans cet esprit aux phénomènes de changement ou de conservation, et plus généralement au fonctionnement linguistique le plus ordinaire, engage donc à se doter d’une conception générale des formes en jeu, comprenant différents ‘niveaux de sens’ qui s’y trouvent impliqués. Or, qui dit forme, dit perception : par conséquent un problème liminaire est de se rattacher à une théorie générale de la perception qui puisse valoir dans le registre du sensible, aussi bien que pour les autres registres du sens ; et qui puisse intégrer, dans ses phases les plus internes ou les plus précoces, des déterminations culturelles, passant par une variété de jeux sémiotiques. C’est à partir d’une telle réflexion que nous avons proposé avec Pierre Cadiot le cadre général d’une théorie des formes sémantiques : comme une radicalisation de l’analogie perceptive, procédant de la thèse que son et sens doivent être perçus l’un comme l’autre – l’un par l’autre – avant que d’être éventuellement logiquement ou conceptuellement repris. L’activité de langage est alors vue comme un déploiement de formes sémiotico-sémantiques, qui se présentent en formations plus ou moins locales, plus ou moins articulées ou diffuses, et qui sont simultanément perçues/reconnues à différents niveaux, qu’il convient alors de caractériser en termes de : stabilité, généricité, transposabilité, en rapport à l’activité de thématisation en cours.
L’exposé s’attachera donc à présenter quelques éléments de ce cadre théorique, qui seront mis en œuvre dans l’analyse d’une variété de formes figées : unités lexicales, expressions idiomatiques, proverbes, ou même sur ces entités plus abstraites que sont les constructions grammaticales. Le problème de la reprise se reformule alors comme celui d’une transposition – mais à partir de quoi ? – dont le modèle ne se confond ni avec celui d’une instanciation, ni avec celui d’une réplication.
On s’attachera à préciser ce que deviennent les notions intuitives d’analogie, ou d’homologie, si souvent invoquées comme une justification des premiers moments de l’innovation. On sait que la question de la métaphore est souvent abordée dans cette perspective, en continuité finalement avec l’idée de modèle, pris entre langage commun et transfert interdisciplinaire. Sur le plan linguistique, en tout cas, on en critiquera les versions conceptualistes, qui y voient comme un transfert de connaissances, ou de types conceptuels, d’un domaine établi à un autre en voie de (re)formation. C’est, plus profondément, la notion d’un modèle conçu comme une donnée préalable qu’il convient ici de remettre en cause.
Références
2001. Cadiot, P., Visetti, Y.M. Pour une théorie des formes sémantiques – motifs, profils, thèmes. 234 p. Paris, Presses universitaires de France.
2003. Rosenthal, V., Visetti, Y.M. Köhler. 284 p. Paris, Les Belles Lettres.
2006. Visetti, Y.M., Cadiot, P. Motifs et proverbes. Essai de sémantique proverbiale. 370 p. Paris, Presses universitaires de France.
+ articles ou notes disponibles sur http://www.formes-symboliques.org/ (page personnelle de l’auteur sur ce site http://www.formes-symboliques.org/article.php3?id_article=85)
+ notes sur ‘Modèles perceptifs et formes sémantiques’, disponibles sur le site du LIDILEM
w3.u-grenoble3.fr/lidilem/labo/file/ling&cogn/Visetti.pdf
Sur la question des microgenèses perceptives, voir également les textes de V. Rosenthal (certains disponibles à http://www.formes-symboliques.org/article.php3?id_article=86) |
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| responsibles | Longhi |
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