De la transcription musicale à la transcription de la prosodie du français entre les XVIe et XXe siècles : entre continuité et discontinuité

old_uid11596
titleDe la transcription musicale à la transcription de la prosodie du français entre les XVIe et XXe siècles : entre continuité et discontinuité
start_date2016/05/23
schedule14h-16h
onlineno
summaryL’existence de liens étroits entre musique et prosodie a poussé certains grammairiens à parler d’éléments musicaux pour désigner le rythme, l’accentuation et l’intonation de la langue parlée, ou encore, à avoir recours à la transcription musicale pour mieux représenter et décrire ces différents phénomènes. Dans la production de la parole, leur manifestation concrète est associée à l’évolution temporelle des paramètres physiques que sont la fréquence fondamentale, la durée et l’intensité (Cruttenden, 1997). Ces variations sont perçues comme des changements de hauteur (ou de mélodie), de longueur et de sonie (Rossi, 1999), que l’on retrouve également dans la musique. Il n’est donc guère étonnant que le vocabulaire utilisé pour décrire la langue parlée ou la musique se ressemble autant. Ainsi, on parle dans les deux domaines, de mélodie, de rythme, d’accents, de silences ou de quantité. Si le sens recouvert par ces termes n’est pas toujours complètement identique chez les grammairiens et les musiciens, ils n’en restent pas moins comparables. L’Encyclopédie explique clairement que du rythme « naissent le nombre & l’harmonie dans l’éloquence, la mesure & la cadence dans la poésie », tandis qu’en musique, « le rythme s’applique à la valeur des notes, & s’appelle aujourd’hui mesure ». Si nous étudions de plus près l’évolution de la transcription de la prosodie française entre le XVIe et le XIXe, il est possible de dégager quatre grandes tendances. Au XVIe, les grammairiens, fortement préoccupés par la création d’une grammaire de la langue française sur le modèle de la grammaire latine, se focalisent sur le fonctionnement des mots en contexte, au sein des différentes unités syntaxiques (Palsgrave, 1530 ; Meigret, 1550). Au XVIIe, des auteurs comme le grammairien Vairasse d’Allais (1681), ou le musicien Bacilly (1668) vont plutôt se focaliser sur un seul élément, la quantité, qu’ils utilisent pour parler du rythme, en travaillant notamment au niveau de la syllabe. Au XVIIIe, les Lumières cherchent à décrire et à expliquer avec précision le fonctionnement de la langue et de la musique, mais ils se heurtant au manque d’instrumentation pour transcrire la prosodie. Ce manque sera comblé au XIXe par les phonéticiens expérimentalistes (L’abbé Rousselot, 1901-1908 ; Léonce Roudet, 1899). Ces auteurs ont recours à la transcription musicale pour décrire avec une extrême précision l’évolution de la hauteur, de la durée et de l’intensité en utilisant une véritable partition, mais en négligeant toutefois les variations réellement pertinentes pour l’oreille. Dans l’ensemble, nous pouvons dégager un mouvement partant d’une description plutôt globale pour aboutir à une transcription extrêmement précise de la prosodie. En outre, chaque auteur, en fonction de son domaine, apporte des connaissances et un regard spécifiques, les grammairiens se concentrant sur les unités et le fonctionnement de la syntaxe, les musiciens travaillant d’emblée sur la perception et la réalisation de la mise en musique de la langue et les phonéticiens, sur l’identification et la description des différents paramètres prosodiques. Dans cette communication, nous nous proposons donc de décrire la contribution de ces différents auteurs à la description de la prosodie. Références Bosquet, Jean (1586). Elemens ou institutions de la langue françoise, Mons 1586. Bacilly, Bénigne de (1668). Remarques curieuses sur l’art de chanter, et particulièrement pour ce qui regarde le chant français. Paris. Beauzée, Nicolas (1767). Grammaire générale ou exposition des éléments nécessaires du langage pour servir de fondement à l’étude de toutes les langues. Vol. 1, Paris. Condillac, Etienne Bonnot de (1798). Essai sur l’origine des connaissances humaines, Paris. Cruttenden, A. (1997). Intonation. 2nd edition. New York : Cambridge University Press. D’Olivet, Pierre-Joseph (1736). Traité de la prosodie française, Paris. Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751-1772), éd. Denis Diderot, Jean le Rond d’Alembert, Paris. Lamy, Bernard (1676). De l’Art de parler. Paris. Grimarest, Jean Léonor Le Gallois de (1707). Traité du récitatif dans la lecture, dans l’action publique, dans la déclamation, et dans le chant ; avec un traité des accens, de la quantité, & de la prononciation. Paris. Louis Meigret (1555). Le Tretté de la grammère françoise, Paris. Palsgrave, John (1530). L’éclaircissement de la langue française, Londres. Raparlier (1772). Principes de musique, les agréments du chant et un essai sur la prononciation, l’articulation et la prosodie de la langue françoise. Lille. Rossi, Mario (1999). L’intonation, le système du français : description et modélisation. Paris : Ophrys. Roudet, Léonce (1899). Méthode expérimentale pour l’étude de l’accent. La Parole, 5, 321-344. Rousselot, l’abbé (1901-1908). Principes de Phonétique Expérimentale. Paris : Welter, 2e vol. Vairasse d’Allais, Denis (1681). Grammaire méthodique, contenant en abgrégé les principes de cet art et les règles le plus nécessaires à la langue françoise. Paris.
responsiblesDétrie, Pélissier