Inférence bayésienne en biologie: une philosophie de la statistique à l'épreuve des pratiques

old_uid13365
titleInférence bayésienne en biologie: une philosophie de la statistique à l'épreuve des pratiques
start_date2014/01/31
schedule14h-16h
onlineno
location_info1er étage, Amphi Weiss
summaryL'inférence probabiliste, et plus particulièrement l'inférence bayésienne, sont de plus en plus utilisées en bioinformatique et en sciences de l'évolution, comme dans bien d'autres domaines de la science moderne. Toutefois, on pourrait dire que, du point de vue philosophique, la situation, qui a certes toujours été confuse, est devenue encore moins claire que jamais. À tout prendre, on aurait même l'impression que, plus l'inférence bayésienne se propage largement à travers le monde scientifique, plus faible est la proportion de ceux qui l'emploient tout en adhérant aux principes philosophiques qui sont censés la sous-tendre. Si l'on gratte un peu la surface, on se rend vite compte en effet que les scientifiques, y compris ceux qui utlisent des outils informatiques fondés sur des principes d'inférence bayésienne, ne sont fondamentalement pas bayésiens au sens philosophique du terme, semblant plutôt valoriser des principes et des valeurs épistémologiques proches de ceux défendus par l'école dite fréquentiste. Il y a donc là comme une dissonance cognitive, qui n'est certes pas la première en sciences, mais qui mérite néanmoins d'être examinée de plus près. Pour ce faire, l'on revisitera, à travers des exemples issus de la biologie et de la génétique des populations, le contenu logique et sémantique du théorème de Bayes et du principe d'inférence, dite par conditionnalisation, auquel il donne corps. À travers ce travail, on identifiera plus clairement les ressorts à la fois mathématiques, épistémologiques et pratiques de l'inférence probabiliste, cadre théorique relativement général dont l'inférence bayésienne représente une variété plus particulière. Également, cette analyse nous permettra de localiser plus précisément les lignes de séparation des eaux entre les différentes écoles de pensée en statistiques (fréquentiste ou bayésienne, et au sein de cette dernière, objectiviste ou subjectiviste), mettant à jour certains des principes épistémologiques qui les structurent chacune tout en les opposant les unes aux autres. Une fois les problèmes épistémologiques clarifiés, on passera sur un plan plus pratique, pour considérer plus particulièrement l'enjeu computationnel. On verra alors que c'est là que tout se joue. Les scientifiques sont en effet très pragmatiques et sont capables de beaucoup de flexibilité d'un point de vue philosophique si cela les arrange sur un plan computationnel ou expérimental. La fidélité aux principes épistémologiques de telle ou telle école de pensée statistique n'est qu'un des aspects du problème, arbitré avec d'autres enjeux, en particulier computationnels ou relatifs à la liberté que confèrent les différents paradigmes statistiques dans la modélisation des phénomènes et des processus biologiques. A l'aune de cet arbitrage pragmatique, il s'avère que l'inférence bayésienne offre finalement un meilleur compromis que les approches plus classiques d'obédience fréquentiste, ce qui pourrait bien être la raison fondamentale de sa popularité croissante. Toutefois, à plus long terme, les sciences biologiques en particulier, et la science en général, ne peuvent se satisfaire d'un tel syncrétisme sans chercher à approfondir la réflexion et opérer une synthèse plus harmonieuse entre principes épistémologiques et considéreations pratiques. De fait, si une synthèse aboutie entre fréquentisme et bayésien a souvent passé pour le serpent de mer de la statistique, les contours d'une telle réunification se précisent malgré tout peu à peu, entre autres grâce aux développements de la théorie statistique de la décision, de l'inférence bayésienne empirique et de la théorie de l'information.
responsiblesDrouet, Martin