| old_uid | 15061 |
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| title | La nasalisation en créole haïtien : entre autonomisation et apports substratiques |
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| start_date | 2017/12/18 |
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| schedule | 14h-16h |
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| online | no |
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| summary | La nasalisation est récurrente en créole haïtien (CH) et en constitue l’un des traits caractéristiques (Pompilus, 1973 ; Valdman, 1978, 2015). Le trait de nasalité peut se partager à gauche comme dans /kana/ > [k?na] (canard), à droite : /??b?/ > [??m] (chambre), voire parfois dans les deux directions en même temps : /sone/ > [s?n?? (sonner). Pour mieux comprendre le fonctionnement de cette nasalisation, il est nécessaire de prendre en considération le français dont sont dérivés la plupart des éléments du corpus. On peut dès lors situer la nasalisation dans une dynamique de variation et de changement linguistique. Sa récurrence en CH peut être due à des influences substratiques de langues africaines dont particulièrement le fon. Par exemple, Cadely (1994, 2002), Vernet (1980), Parkvall (2000), Carignan (2013) signalent l’existence en CH de la voyelle [?]. Il existe aussi dans le parler de certains locuteurs du sud une variante du déterminant indéfini manifestant sous la forme de [?]. Fadaïro (2001) atteste l’existence de ces voyelles [?] et [?] dans le système phonologique du fongbè où elles ont plutôt une valeur phonétique et non phonologique (Capo, 1991 ; Brousseau et Lefebvre, 2002 ; Cruz et Avolonto, 1993). Ces voyelles nasales phonétiques [?] et [?] du CH sont à situer dans ce cadre d’influences substratiques.
Par ailleurs, la plupart des éléments ayant à voir avec la nasalisation en CH ne sont pas toujours le résultat d’influences substratiques, voire superstratiques. Ce sont des éléments qui se sont « autonomisés » en sélectionnant du français, comme de ces substrats, des traits qui servent à définir le CH en tant qu’un système singulier différent du français et des autres. Nous entendons par autonomisation ce processus par lequel une langue formée dans une situation de contact de langues construit ses propres patterns en vue de générer ses matériaux constitutifs à partir d’une dynamique interne. Cette autonomisation, à la fois facteur et produit de la vernacularisation, joue un rôle dans la définition même de la langue. Ainsi, certaines formes n’existent en CH que sous une forme nasale et qu’il est difficile de les faire correspondre à des mots français, à moins qu’il s’agisse d’un certain état diachronique du FR. C’estlecas,parexemple,de/m?g?? ?? (compliquer,compliqué),/l?m?/(espècedemauvaise herbe),/??ñ/(étuipourmachette),/mal?m??(herbesauvage),/??ni/(amasd’objetsdivers), /t?ñ?ñad/(niaiserie),/pi?k?ñ??,/pi?k?n??,/p???ñ??/p????/,/pi??ñ??,/pi?in??(pincer)…
Les voyelles sont certes plus enclines à être nasalisées mais certaines consonnes peuvent être nasalisées par une voyelle nasale précédente. C’est notamment le cas des occlusives [d] et [b] en finale de mot lors du passage du FR au CH, devenant [m] et [n], qu’elles forment une coda simpleoubranchante:/b??/>[b??](bombe),/s???/>[s??](sombre),/b?d/>[b?n] (bande),/v?d?/>[v?n](vendre),/p???/>[p?ñ](peindre).Lesocclusives[k]et[g]peuvent aussi être nasalisées en [?] par assimilation d’une voyelle nasale précédente : /l?g/ > [l??] (langue) ou encore /s?? gud/ > [s?? gud] (cinq gourdes). D’où [?] résultat d’une assimilation, ne se retrouve qu’en coda. La nasalisation concerne aussi la consonne [t] sous certaines conditions de coarticulation.
Cette présentation vise à : 1) montrer que les influences substratiques de langues africaines qui côtoyaient le français à Saint-Domingue au moment de l’émergence du CH jouent un rôle dans ce phénomène de nasalisation ; 2) élaborer des règles de la nasalisation (vocalique et consonantique) en fonction des contextes dans lesquels elle se produit.
Références citées
Brousseau A.-M. & Lefebvre C. (2002), A Grammar of Fongbe, Berlin, De Gruyter Mouton.
Cadely J.-R. (1994), Aspects de la phonologie du créole haïtien, thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal.
Cadely J.-R. (2002), « Le statut des voyelles nasales en créole haïtien », dans Lingua, vol. 112 n° 6, p. 435-464.
Capo H.B.Ch. (1991), A Comparative phonology of gbe, Berlin, De Gruyter Mouton.
Carignan Ch. (2013), When nasal is more than nasal: The oral articulation of nasal vowels in two dialects of French, University of Illinois, Urbana-Champaign.
Cruz M. da et Avolonto A. (1993), Un cas d’harmonie vocalique en fongbè. In Kihm Alain et Lefebvre Claire (éds), Aspects de la grammaire du fongbè: études de phonologie, de syntaxe et de sémantique, Paris, Peeters, 29-47.
Fadaïro D. (2001), Parlons Fon, langue et culture du Bénin, Paris, L’Harmattan.
Parkvall M. (2000), Out of Africa. African influences in Atlantic Creoles, London, Battlebridge Publications.
Pompilus P. (1973), Contribution à l’étude comparée du créole et du français. Phonologie et lexicologie, Port-au-Prince, Caraïbes.
Valdman A. (1978), Le créole : structure, statut et origine, Paris, Klincksieck.
Valdman, A. (2015), Haitian Creole. Structure, Variation, Status, Origin. Sheffield, Bristol: Equinox.
Vernet P. (1980), Techniques d'écriture du créole haïtien, Port-au-Prince, Le Natal. |
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| responsibles | Cabredo Hofherr |
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