Je et tu. De la subjectivité à la subjectivation dans le langage

titleJe et tu. De la subjectivité à la subjectivation dans le langage
start_date2023/09/13
schedule10h30-12h
onlineno
location_infoSalle D4.180 & Zoom
summaryL’étude de la subjectivité dans le langage peut se faire selon une approche extensive ou une approche restreinte. Pour la première, le concept de subjectivité renvoie, comme dans l’acception courante, à la qualité de ce qui est subjectif, et peut être rapproché des opérations d’évaluation et de modalisation. Dans cette perspective, « la subjectivité langagière est partout, mais diversement modulée selon les énoncés » (Kerbrat–Orecchioni 1980, 170). Il s’agit de mettre au jour la multiplicité des formes par lesquelles la subjectivité s’inscrit dans le langage, des plus évidentes à celles implicites et cachées. L’approche restreinte en revanche, celle de Benveniste, se concentre sur « l’appareil formel de l’énonciation » (1974) : les déictiques ou marqueurs indexicaux. La subjectivité est définie de manière philosophique comme « la capacité du locuteur à se poser comme sujet » (Benveniste 1966, 255). Cette capacité présuppose, non pas l’inscription, mais l’appropriation de l’énonciation. Le couple je–tu est appréhendé comme condition d’émergence et fondement de la subjectivité (la corrélation de subjectivité), dont la troisième personne se trouve exclue comme « non–personne ». A l’instar de Benveniste, je restreins l’étude de la subjectivité à des marqueurs primaires et me concentrerai ici sur la personne grammaticale, dont il n’est pas possible d’exclure la troisième personne. Il s’agit de mettre en regard les fonctions respectives des déictiques (je et tu) et des anaphoriques (il, elle) dans la manière dont les sujets se construisent dans et par le langage. Je propose de nommer « subjectivation » le processus actif de (se) poser comme sujet dans le langage, et de différencier entre subjectivation sociale (doing subjects) et subjectivation individuelle (becoming subject). En mettant en exergue les emplois de ce que j’appelle « la troisième personne interlocutive » (spécialement dans la deixis sociale et l’adresse indirecte), je défendrai l’hypothèse d’une fonction de subjectivation sociale assumée par la troisième personne, par opposition à je et tu qui renvoient à une subjectivation individuelle. En m’inspirant de la Sprachtheorie de Karl Bühler (1934), je montrerai par ailleurs que seuls je et tu fonctionnent comme marqueurs d’appropriation, plus précisément, comme marqueurs d’incarnation. La deixis est la porte par laquelle le corps des sujets entre dans le langage.
responsiblesBottineau, Prak-Derrington, Quignard