Les français régionaux dans l’espace francophone. Quel statut linguistique, quelle place dans les politiques éducatives dans un contexte mondialisé au cœur de tensions géopolitiques et économiques ? (2011)

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titleLes français régionaux dans l’espace francophone. Quel statut linguistique, quelle place dans les politiques éducatives dans un contexte mondialisé au cœur de tensions géopolitiques et économiques ?
typeAutre
year2011
start_date2012/03/14
stop_date2012/03/15
schedule09h30-18h
activeno
websitehttp://www.u-cergy.fr/fr/laboratoires/labo-crtf/actualite/actualites--calendrier-des-manifestations/les-francais-regionaux-dans-l-espace-francophone.html?search-keywords=Les%20fran%C3%A7ais%20r%C3%A9gionaux%20dans%20l%E2%80%99espace%20francophone
practical_infoLes places étant limitées, une réservation est nécessaire.
organisational_infoOrganisé par Marie Madeleine Bertucci, le colloque est soutenu par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France et la fondation de l'Université de Cergy-Pontoise.
summaryL’espace francophone se caractérise par sa diversité linguistique et culturelle. Y cohabitent une multiplicité de langues et le français. Cette coexistence, née de circonstances historiques, diverses selon les contextes, a donné naissance à un paysage linguistique original, qu’on souhaiterait mettre en évidence dans ce colloque. Co-organisée par la Maison de la Nouvelle Calédonie à Paris et le Centre de recherche Textes et Francophonies de l’Université de Cergy-Pontoise, cette rencontre est emblématisée par la situation linguistique calédonienne. Celle-ci, plurilingue, est riche d’une trentaine de langues et dialectes kanak, des langues océaniennes et asiatiques importées, de l’anglais australien et du français (Pauleau, 1995, 2006). Elle est à l’image du plurilinguisme d’un grand nombre de pays ou régions francophones d’Afrique subsaharienne, de l’Océan Indien, de la Caraïbe ou d’Asie, et aussi, dans une moindre mesure, des pays ou régions francophones d’Europe ou d’Amérique. Le français, en Nouvelle Calédonie, est à la fois langue officielle et langue véhiculaire, dans ce cas, non sous la forme dite de français « standard », mais sous sa forme régionale calédonienne ; et ce, malgré l’existence d’un créole, le tayo, parlé par très peu de locuteurs, et en dépit de la présence du bichelamar, pidgin anglo-mélanésien, exclusivement utilisé par la communauté des Ni-Vanuatu (Pauleau, ibid.), état de fait, qui contraste avec une aire créolophone comme La Réunion par exemple, où le créole est majoritaire. Ceci n’est pas anodin, car loin de s’affaiblir, le français régional calédonien connaît un processus de vernacularisation, et vient prendre la place des langues vernaculaires traditionnelles de Nouvelle Calédonie, langues kanak, polynésiennes, indonésiennes, asiatiques (Pauleau, 2006). Un nombre croissant de locuteurs, issus de familles plurilingues, tendraient ainsi à devenir des locuteurs monolingues de français (Ibid.). Le statut du français en Nouvelle Calédonie invite donc au questionnement, surtout lorsqu’on sait, que ce français régional calédonien, n’a pas de véritable légitimité linguistique et sociale, hormis celle de signaler un locuteur natif, notamment lorsque le parler est marqué lexicalement et phonétiquement. Or cette absence de statut est problématique, car elle invisibilise et minorise, et la variété de langue, et les locuteurs, et pérennise des hiérarchies sociales et linguistiques. Au-delà du français calédonien, il existe dans l’espace francophone, dans et en-dehors de l’hexagone, de nombreux français, qu’on désignera comme régionaux ou locaux, faute d’une terminologie adéquate pour désigner avec exactitude ces normes endogènes. Souvent éloignés de la norme de référence, ces français ont une double fonction, qui les distingue du français « standard » hexagonal, ils sont à la fois vernaculaires et véhiculaires et permettent la communication entre des groupes de langue maternelle différente. Ils viennent remplir un vide, dans un continuum variationnel, entre le français « standard » ou « de prestige » et les langues vernaculaires ou nationales. C’est à ces français régionaux, à leur diversité dans l’espace francophone, hexagone compris, et aux questions qu’ils soulèvent, en termes linguistiques, en termes de statut social, mais aussi d’enseignement, que ce colloque souhaite s’intéresser. On ne se contentera pas d’interpréter la notion de français régional en termes de variation lexicale ou phonologique d’une région, ou d’un pays à l’autre. On situera, de préférence, l’approche de ces français dans une perspective sociolinguistique en prenant en compte la question de la norme et de la valeur identitaire, qui leur est conférée (Baggioni, 1993). Surtout si on admet que dans les situations où sont en contact les langues, les cultures et les ethnicités, la question de la précision du message peut devenir secondaire par rapport à la nécessité de définir des identités ou la situation (Robillard, Beniamino, 1993). Il conviendra donc de s’intéresser au poids des représentations de ces français régionaux chez les locuteurs et à la pression de la norme incarnée par le français « standard » hexagonal. Autrement dit, sont-ils assumés, stigmatisés ou revendiqués ? On admettra que le français régional correspond à une communauté, qui en partage les normes et détermine ses emplois. On fera l’hypothèse que les pratiques discursives sont le lieu où s’organisent les représentations de la langue des locuteurs, à défaut d’instruments de référence, dictionnaires ou grammaires (Robillard, Beniamino, ibid.), ce qui souligne la difficulté, qu’il y a à définir la norme endogène si on suppose que sa normalité est surtout ressentie au cœur de l’interaction (Manessy, 1993). L’étude des traits sociolinguistiques devra être considérée prioritairement pour cette approche de variétés non standardisées et ne se situera pas dans une conception exclusivement descriptiviste et homogénéisante de la langue. Elle postulera une communauté linguistique tout en s’interrogeant sur la manière d’appréhender celle-ci. Aussi conviendra-t-il de se demander si la communauté linguistique francophone constitue un ensemble homogène, voire même une communauté, surtout dans un contexte mondialisé, qui provoque autant de particularisation, que d’homogénéisation. Au-delà de la territorialisation des communautés linguistiques, on supposera que l’espace francophone implique l’existence d’un réseau où se reconnaissent des locuteurs, qui partagent des normes linguistiques explicites et/ou implicites (Robillard, Beniamino, 1993). La communauté linguistique pourra donc être envisagée comme un espace social (Ibid.) centré sur les ressources linguistiques et dotée d’une vision du monde et d’un système de valeurs véhiculés par la norme endogène, cette vision du monde et ces valeurs étant susceptibles d’en légitimer la reconnaissance. L’école, dans ce processus de légitimation, est un élément institutionnel essentiel, car c’est à l’école que les processus de visibilisation de ces français doivent être mis en place, pour qu’ils acquièrent un statut. On attribuera à l’école un rôle d’autant plus important, si on accepte l’idée que les langues participent du processus économique global et qu’il en résulte une marchandisation des langues, qui se joue au sein même de l’école (Heller, 2003). C’est la raison pour laquelle le colloque a également comme visée de s’interroger sur les politiques linguistiques-éducatives et les questionnements didactiques à mettre en place pour utiliser ces français régionaux dans l’enseignement apprentissage du français de scolarisation, en ayant recours, par exemple, à une didactique du français fondée, notamment, sur une lexicographie différentielle et ancrée dans les réalia des endroits évoqués. La Nouvelle Calédonie offre, en la matière, un terrain d’expérimentation original, où peut s’enraciner la problématique. Issue des accords de Nouméa (1998), la politique mise en place a pour objectif, outre l’enseignement du français, la possibilité d’apprendre une langue kanak, et l’initiation à une autre langue de la région Asie-Pacifique (Fillol, 2009). La compréhension de la situation calédonienne peut permettre de dégager des axes pouvant nourrir des propositions de politiques linguistiques-éducatives en articulant réflexion sur le français et plurilinguisme dans le cadre de la francophonie, et en les liant à des interrogations sociolinguistiques et didactiques. On se demandera donc si les politiques nationales d'enseignement du français dans les pays francophones tiennent compte dans leurs principes et dans leurs programmes scolaires des situations linguistiques existantes, et notamment des français régionaux. À quels objectifs d’enseignement-apprentissage répondent les stratégies mises en œuvre au regard de la place effective tenue par le français dans le cadre de situations qui diffèrent d’un pays à l’autre ? Compte tenu de la diversité des contextes, quelles politiques linguistiques-éducatives en termes de didactique du français de scolarisation, en contexte plurilingue et en lien avec les français régionaux, faudrait-il envisager ? - En Europe, quel statut accorde-t-on aux belgicismes dans l’enseignement du français en Belgique, qui plus est dans une situation de conflit linguistique ouvert ; dans un contexte minoritaire, au Canada, quel espace y a-t-il pour le français en situation de concurrence linguistique ? - Dans le cadre de la francophonie non européenne ou non américaine : • Quel français faut-il enseigner, quelle variété convient-il de cibler, si on considère que le français et son enseignement sont généralement perçus comme non problématiques (Chaudenson, 2001) ? • Dans ces conditions, comment faut-il prendre en compte les variétés endogènes de français, afin de les envisager dans un continuum allant du français élémentaire à la langue de prestige, et en considérant qu’il existe un usage social du français, qui peut servir de base à une pédagogie évolutive ? • Quel type de complémentarité entre les langues nationales et le français faut-il instaurer, pour éviter les situations d’apartheid linguistique (Chaudenson, ibid.) ? Surtout, si on admet que le français est souvent une deuxième ou troisième langue, apprise de plus en plus à l’université. • Une didactique du plurilinguisme pourrait-elle permettre de sortir de l’aporie linguistique, qui invisibilise les français régionaux ?
responsiblesBertucci